Le travail forcé ou obligatoire, défini d’après l’Organisation Internationale du Travail, consiste en « tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré ».  Nous constatons la présence de travail forcé dans plusieurs secteurs de l’économie, tant au sein des pays développés que dans des pays en développement (secteur de la construction, de la restauration, du travail domestique, de la prostitution, du transport,…).

Beaucoup de personnes qui se retrouvent dans des conditions de travail forcé sont des victimes de la traite des êtres humains. Au Luxembourg, selon le Code pénal, la traite des êtres humains est un terme générique qui désigne le fait de « recruter, de transporter, de transférer, d’héberger, d’accueillir une personnes, de passer ou de transférer le contrôle sur elle, en vue de l’exploitation du travail ou des services de cette personne sous la forme de travail ou de services forcés ou obligatoires, de servitude, d’esclavage ou de pratiques analogues et en général dans des conditions contraires à la dignité humaine ». Les derniers  chiffres  comptabilisent environ 24.9 millions de personnes  victimes de la traite d’êtres humains au niveau mondial !

Les personnes qui travaillent en tant qu’intermédiaires pour « recruter » des travailleurs sont connues sous différents noms ; appelées les gatos en Amérique latine, elles sont connues en Italie comme faisant partie du caporalato, qui ne désigne rien d’autre qu’une forme illégale de recrutement et d’organisation de la main d’œuvre, exploitée dans des conditions de travail indécentes  (salaire en-dessous du salaire minimum vital, pas de droit de grève, de longues heures supplémentaires, normes d’hygiène et de sécurité non respectées, violences physiques et/ou sexuelles sur le lieu de travail,…). Le système du caporalato est une dénomination spécifique pour désigner le recrutement illégal de travailleurs dans le secteur de l’agroalimentaire. Des migrants de tous les pays à la recherche de meilleures conditions de travail peuvent tomber dans le piège de tels réseaux de trafiquants, comme par exemple :

  • Au Brésil pour cueillir des oranges dans l’état de São Paolo
  • En Italie et en Espagne pour récolter plusieurs types de fruits rouges (myrtilles, fraises, framboises,…)
  • Au Liban pour travailler en tant qu’aide domestique
  • Au Qatar pour construire les stades de football pour la prochaine coupe du monde prévue en 2022
  • Dans la mer de Chine méridionale dans le secteur de la pêche, où les personnes  étaient initialement « recrutées » en Thaïlande
  • En Inde où de nombreuses femmes d’origine bangladeshie sont recrutées pour travailler en tant que serveuses dans les villes indiennes, mais qui finissent en tant que travailleuses du sexe dans les red light districts

Sans exception, une fois que les personnes se retrouvent dans de telles conditions de travail, il leur devient difficile de s’échapper. L’employeur leur confisque leur passeport ou d’autres documents d’identité officiels usant de faux prétextes (formalités administratives, mise en sécurité,…) et ces personnes se retrouvent ainsi dans une situation d’irrégularité.  Sous menace de se voir dénoncées à la police ou d’être renvoyées dans leurs pays d’origine, ces personnes sont souvent réticentes à  coopérer avec les forces de l’ordre. S’y ajoute le fait qu’elles ne se rendent pas compte tout de suite de manière flagrante qu’elles sont exploitées, faute de renseignements précis sur leurs droits fondamentaux.

En résumé, il faut être conscient que l’esclavage existe encore bel et bien de nos jours. Etant donné qu’il se distingue des formes dites « traditionnelles » d’esclavage du passé, une nouvelle terminologie s’est imposée au fur et à mesure dans les discours pour faire la distinction entre les deux concepts : aujourd’hui, nous parlons d’esclavage moderne ou de formes contemporaines d’esclavage. Plus de 40 millions de personnes sont aujourd’hui victimes de pratiques d’esclavage moderne ! Ces termes n’ont pas de statut légal en droit international proprement dit, mais sont plutôt des termes génériques pour désigner toute une série de violations des droits humains qui sont à leur tour définis légalement, comme par exemple : la traite des êtres humains (à des fins d’exploitation multiples comme le travail forcé, la prostitution, la mendicité forcée, le trafic des organes,…), la servitude pour dettes, le mariage forcé, le travail des enfants, le travail domestique…

La première conclusion que nous pourrions émettre serait que le travail indécent et la traite des êtres humains semblent concerner avant tout les pays en développement,  or cela peut s’avérer trompeur et ceci pour deux raisons : a) des cas de traite des êtres humains et de travail forcé ont aussi été constatés ici au Luxembourg et b) de par notre style de vie et modes de consommation, nous pouvons indirectement  contribuer au maintien et à la perpétuation de différentes formes de travail indécent au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales.